lundi 30 janvier 2017

"LES DELICES DE TOKYO" (An) Critique du film de Naomi Kawase sorti en 2016



Sentaro est le gérant d’une boutique, quelque part à l’ouest de Tokyo. Il y confectionne toute la journée des Dorayakis, une spécialité japonaise à base d’haricots rouges sucrés et confits.

Ses affaires ne sont pas florissantes et lui-même mène une vie terne et triste. Une vieille femme de 75 ans, Tokue, se présente dans sa boutique en lui proposant ses services pour l’aider à réaliser ses pâtisseries. Il est tout d’abord extrêmement réticent à l’idée d’engager une femme aussi âgée, mais il reviendra sur sa décision après que celle-ci lui ait fait gouter sa recette d’haricots rouges confits (« An » en Japonais).
Ses dorayakis autrefois fades, aux gouts industriels, deviennent grâce à la vieille dame de véritables délices ! Le succès est immédiat et les clients affluent en masse !

Une amitié s’installe dés lors entre l’aïeule et Sentaro, jusqu’au moment où le secret de Tokue est révélé : elle est attente de  la lèpre ! Ou du moins elle l’était, guérie depuis longtemps, elle garde cependant les stigmates de la maladie. Au début de l’adolescence elle fut abandonnée par sa famille et confinée dans une léproserie. En effet au Japon une loi datant de 1907 stipulait que les lépreux devaient être enfermés à l’écart de la société. Cette loi ne fut abolie qu’en 1996.


Dorayakis et cerisiers en fleurs.


« Les délices de Tokyo » est un film sur les blessés de la vie. Tokue a été marginalisée par sa maladie, Sentaro lui, s’il n’a pas de cicatrices visibles, cache un douloureux secret, tout comme Wakana, une collégienne habituée de la boutique, vit une situation familiale difficile… Ces handicapés sociaux, vont former une trinité d’âges (l’enfance, l'âge adulte et la vieillesse) et forger une véritable communion de cœur et d’esprit.

Véritable éloge de la marginalité, le film s’oppose à la fade standardisation de nos sociétés. Bien que prisonniers de leurs rôles de proscrits les personnages principaux vont s’élever mutuellement et oublier leurs difformités physiques ou psychologies.

Qu’on ne s’y trompe pas le film n’a rien de la niaiserie que le titre (traduction inepte du titre original "An"), l’affiche et, dans une moindre mesure, la bande annonce laissent craindre. Bien au contraire les situations sont aussi réalistes que complexes. Les relations sont quant à elles aussi profondes que touchantes.

D’une sensibilité et d’une poésie peu commune, ce film restera gravé très longtemps dans l’esprit (et le cœur) de ceux qui iront le voir.

Un chef d’œuvre ni plus ni moins.





mercredi 18 janvier 2017

"YOUR NAME" de Makoto Shinkai. Critique du film.




“Your Name” (alias 君の名は, Kimi no na wa, en Japonais) le nouveau film d'animation de Makoto Shinkai avait de quoi intriguer. Pensez donc ce dessin animé, sorti le 26 aout 2016 dans l’archipel, est devenu le plus gros succès de l’année 2016 au Japon en restant 12 semaines consécutives en tête du Box office. Il est le deuxième plus gros hit nippon des tous les temps (juste derrière « Le voyage de Chihiro » de Miyazaki !)
Des scores similaires se sont répétés un peu partout à travers l’Asie.
Restait donc à savoir si ce Roméo et Juliette Japonais pouvait séduire le public Français.

L’histoire tout d’abord :
Le film se résume dans sa première phrase  «Je suis à ta recherche, toi, que je n'ai encore jamais rencontré». Il sera question d’une quête romantique d’une moitié désirée et inconnue.

Mitsuha est une lycéenne vivant dans un village perdu dans les montages. Elle ne rêve que de s’enfuir vivre la vie trépidante de Tokyo.
Taki, lui aussi lycéen, vit dans la capitale nippone où il a grandi. Il partage son temps libre entre ses amis et son boulot de serveur.
A priori tout oppose ces adolescents, l’un symbolisant les traditions et l’autre la modernité.
Et pourtant bien que ne se connaissant pas, suite à un phénomène inexpliqué, ils vont échanger leurs corps jour après jour ! Ils se réveilleront dans la peau de l’autre et ne réintégreront la leur que la nuit venue.

Tout d’abord déboussolés par ce phénomène surnaturel les adolescents vont apprendre à vivre dans le corps de l’autre (communiquant par leurs téléphones interposés). Un amour va naitre de cette situation pour le moins surréaliste !
Le désir va les pousser à se rencontrer et à comprendre ce qui leur arrive, mais une autre surprise de taille les attend…


"Oh trop cool j'ai des seins !"

La première chose qui étonne dans ce film est bien évidemment l’incroyable réalisme de l’animation !
Makoto Shinkai (scénariste et réalisateur) frappe très fort avec un graphisme à couper le souffle et des paysages somptueux parfaitement servis par des jeux de lumière tout simplement incroyables.

Le film mêle plusieurs techniques d’animation : 2D traditionnelle, images de synthèses, crayonnés, pastels… Le tout fonctionnant dans une harmonie parfaite et saisissante !
Le réalisme du début du film décrit avec justesse la vie quotidienne du Japon moderne. Une très bonne façon de découvrir ou redécouvrir ce pays au passage.

Après une scène d’ouverture onirique tournant autour d’un ruban le film se fera une règle de brouiller les pistes et d’échapper à tout schéma prévisible.
Sans spoiler le film les fans de Cure penseront immanquablement au livre de Pénélope Farmer « Charlotte sometimes ». Je n’en dis pas plus...


Des messages laissés sur des téléphones ou... sur des visages !

La première partie du film, un poil tartignole (enfin « Kavaï » comme disent les Nippons) laisse craindre une comédie romantique niaise et convenue, mais par des ruptures de ton (on passe du rire aux larmes en passant par la peur) et par un twist intervenant en milieu de film, le réalisateur prend le spectateur totalement à contrepied.

Your name réalise l’exploit de mêler science-fiction, film catastrophe (si si) et comédie romantique, avec pour résultat inattendu de nous renvoyer à nos propres émotions d'adolescence !

L’année 2016 se sera terminée sur un chef d’œuvre du 7éme art ! 



"Je connais ton nom ?"

mardi 3 janvier 2017

Sur les traces de Monsieur MERDE (de Léos Carax)


Le film "TOKYO!" sorti en 2008 est un film composé de 3 moyens métrages réalisés par 3 cinéastes différents. Comme vous vous en doutez le thème commun sera la capitale Nipponne.

A l'affiche 3 cinéastes hors pairs : Michel Gondry, le coréen Bong Joon-Ho et dans le cas qui nous intéresse : Léos Carax, l'illustre réalisateur des "Les amants du pont neuf"" ou de "Mauvais sang" !

(Toutes les captures d'écran sont la propriété de Haut et court)

Tout est dit !

Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ? Non c'est Monsieur Merde sortant des égouts !
Sorti de nulle part un être étrange et mystérieux déboule semant la terreur sur un boulevard de Tokyo !

Dans la réalité nous sommes ici sur Ginza (à son embranchement avec Harumi Dori).
On pourrait comparer Ginza à des Champs Elysées locaux, puisque toutes les marques de luxe y sont représentées !
L'idée de Léos Carax était de représenter l'acteur Denis Lavant comme une sorte de Godzilla en miniature : il tue et détruit non pas par plaisir ou par idéologie, mais juste parce qu'il ne peut pas faire autrement !
Pour appuyer sa référence le réalisateur a utilisé la musique de Godzilla pour cette séquence.

A l'angle de l'avenue, l'acteur Denis Lavant est passé devant la galerie marchande Wako, très réputée à Tokyo. Le même supermarché détruit par Godzilla dans son premier film de 1954 (voir mon article précédent sur la question)

Monsieur Merde déleste des livreurs de leur cargaison de fleurs ! 

Pas de fleur à manger devant l'Apple store de Ginza !

La nourriture préférée de Monsieur Merde : les fleurs et l'argent !




A noter que toute la séquence fut filmée en plan continu, en une seule prise et sans autorisation s'il vous plait ! Pour assurer la fluidité de l'image un cameraman était assis sur un fauteuil roulant tracté à reculons par l'équipe de tournage ! A l'ancienne...
Merde est occupé à digérer le portefeuille d'un badaud !

La folle course de Merde se termine devant la boutique Chanel, où une charmante Nippone terrorisée par l'approche de Merde commet l'erreur de lui montrer ses aisselles !

...car chacun sait que Merdre aime une seule chose plus que manger des fleurs ou de l'argent : c'est de lécher les aisselles !

Plus personne n'ose lever les bras devant la boutique Chanel depuis 2008 !

La nuit est tombée et Monsieur Merde n'entend pas arrêter là ses méfaits !

Nous sommes maintenant à Shibuya, le fameux passage clouté tentaculaire (mondialement célèbre) se situe au bout de la rue.
A noter que la mégalopole nipponne étant en perpétuelle mutation le building situé à gauche en 2008 a tout simplement disparu 8 ans plus tard !

Chargé de grenades datant de la seconde guerre mondiale (trouvée dans une grotte) Merde compte bien faire un carnage en plein centre de Tokyo !

Les aménagements sont loin d'être finis puisque l'on peut voir les travaux en cours aussi bien à gauche qu'à droite ! Refaire cette photo dans quelques mois/années sera intéressant comme illustration de l'évolution constante de la ville...

En 2008 on peut voir une gare routière derrière Merde...
...En 2016 c'est le début des travaux !

Le méfait de Merde accompli et des dizaines de morts jonchant les rues, l'apprenti Godzilla fait la une des journaux télévisés !

Le fameux carrefour de Shibuya. Pas de journal télévisé sur les écrans géants mais des publicités diffusées en boucle.

De la merde sur tous les écrans !

8 ans plus tard, l'armée de piétons attend toujours sagement avant de traverser la rue !

A noter que le personnage de Monsieur Merde a été utilisé deux autres fois par Léos Carax :
Une première fois dans le cadre du film "PARIS JE T'AIME" en 2006
(voir mon petit reportage sur la question sur mon autre Blog consacré à Paris)
puis une dernière fois dans son long métrage "HOLY MOTORS" en 2012.